Extraits de  Je... de dames Diane Je suis de celles qui laissent la porte ouverte quand elles font pipi. Je ne pleure pas souvent, mais quand je pleure, je pleure longtemps, longtemps, longtemps… Des pleurs ou plus exactement des cris de souris aux reniflements les plus huitreux ! Mes bras s'allongent, mes épaules se déboîtent, petits craquements d'os… Mes doigts saisissent la chair de la cliente enrobée. Les mains effleurent la peau, la pressent. Tapoti tapota tapoti tapota…La dextérité des doigts ? Identique à celle du boulanger qui pétrît la pâte. La cliente soliloque selon la cadence du massage. La peau se rosit comme si elle était restée trop longtemps au soleil ! Et le portrait de grand-mère ! Ce grand tableau qui encombrait le couloir. Elle surveillait vos moindres allées-venues ! Et pour cause ! Maman aurait pu l'accrocher dans sa chambre. Hé bien non, dans le corridor de l'entrée, histoire que tout le monde en profite ! Les amis, la famille, le chien, le chat… Elle épie tout le monde ! Quand vous la regardez, si elle pouvait parler, elle cafterait tous vos secrets. Je ne t'aime pas.  (…) Rita J'écoute beaucoup la radio. Plus spécialement la voix de la météo, celle que j'appelle la voix du ciel. Une voix masculine dense mais énergétique et tonique. J'aime entendre cette voix qui me réveille chaque matin, sept jours par semaine, trois cent soixante-cinq jours par an, excepté l'été au mois de juillet où la voix est remplacée par une autre voix. Je reconnaîtrais cette voix n'importe où. Cinq jours par semaine, huit heures par jours, je suis filmée. De face, de profil, assise, debout, quand je marche. Je fais les cent pas. Toujours le même rythme, le même parcours. J'ai un badge avec mon nom comme les stars ! Je porte la même tenue depuis cinq ans. Un tailleur sobre, classique. Le port de la jupe est obligatoire. J'aime bien les caméras de surveillance. J'ai beaucoup voyagé. J'ai vu beaucoup de pays. De nombreux paysages. J'aime pas les portraitistes. Voir tous les jours les mêmes visages, ça me donne le bourdon. Ca me déprime. Je suis si physionomiste que j'aurai pu tenter une carrière en ophtalmologie. J'ai été recalée au certificat d'études, au Bepc. Je n'ai pas osé passer le bac. J'ai toujours eu un blocage aux examens. Je suis capable d'écrire mon prénom, mon nom correctement. Sans une faute. C'est déjà pas si mal finalement ! (…) Jasmine " Un matin, un lapin a tué un chasseur… " J'ai toujours adoré les enfants. Surtout ceux des autres. Des enfants à moi, je n'en n'ai pas. Je préfère ceux des autres. D'ailleurs beaucoup de parents vous le confirmeront, on préfère toujours ceux des autres ! Au lycée, j'ai trouvé mon bonheur. Mes élèves m'ont permis un tel épanouissement. Tous ces enfants, c'est comme si c'était les miens. J'ai un faible pour les plus grands. Les adolescents. On aborde des sujets très différents. La sexualité, par exemple. Et oui, déjà ! Ils sont plus évolués que les générations précédentes. C'est sûr. Mais avec toutes ces maladies, ils sont bien obligés d'utiliser la même méthode contraceptive pour faire l'amour que leurs grands-parents. Le préservatif ! Un sujet délicat. Très délicat. Je n'aurai pas pu être démonstratrice de préservatifs. Le sexe de certaines femmes peut se transformer en bunker dès qu'un homme tente la pénétration. J'ai essayé. Plusieurs fois. Avec des hommes différents. Des blancs, des noirs, des jaunes. Résultat  néant. Inexistant. Je suis très attachée aux vêtements. Surtout aux robes. Mon armoire c'est le panthéon des robes ! Et les robes, c'est lié à ma mère. (…) (…) Rita - Maurice, si je vous dis : c'est trois fois rien mais personne ne le fait à notre place. Qui suis-je ? Maurice - Trois fois rien ? Je ne comprends pas bien la question. Diane - On vous donne un autre indice, Maurice. Rita - C'est trois fois rien mais ça concerne 90 % des femmes. Jasmine - Je suis sûr que vous connaissez la réponse, Maurice. Maurice - C'est-à-dire que si ça concerne les femmes, je sais pas trop. Diane - Vous avez droit à un dernier indice. Rita - C'est trois fois rien mais c'est 17 minutes pour repasser une chemise, 13 minutes pour étendre le linge, 10 minutes pour arroser les plantes… etc. Diane - Qui suis-je ? Maurice - Je sais pas. Je donne ma langue au chat. Rita - Vous êtes adorable Maurice. Vous ne trouvez pas mesdames ? Diane - Tout à fait charmant. Jasmine - Je dirais même attractif. Rita - Ca serait dommage pour vous de ne pas trouver la réponse. Réfléchissez encore un peu. Diane - Concentrez-vous Maurice. Maurice - Ce que je peux dire, c'est que ça prend du temps. Rita - C'est un bon début, Maurice. Diane - Vous voyez, vous brûlez ! Rita - Vous avez raison, Maurice. Tout ça, c'est petits rien, ça prend beaucoup de minutes dans une journée et toutes ces petites minutes c'est toujours ça en moins pour le plaisir, plus spécialement pour notre plaisir. Maurice - Ah bon ? Si vous le dites, c'est sûrement vrai. Rita - Vous donnez toujours votre langue au chat ? Maurice - Vous savez, j'ai pas été loin dans les études. Diane - Tout ça ne nécessite pas un QI élevé. Juste un peu d'attention. Jasmine - Voilà le drame. L'homme n'est pas suffisamment attentif. Attentif aux femmes. Il manque d'attention à notre égard. Diane - Répétez  après moi Maurice. L'homme manque d'attention pour sa femme. Maurice hésite Diane - Je vous écoute monsieur Maurice. Maurice, marmonnant - L'homme manque d'attention pour sa femme. Rita - J'exige plus de conviction de votre part, monsieur Maurice. Maurice, répétant avec un peu plus de conviction - L'homme manque d'attention pour sa femme… Vous savez, moi j'aime tout le monde. Jasmine - Même pas une petite préférence pour une personne précisément ? Maurice secoue la tête négativement. Diane - Voilà le problème ! Maurice - Je n'ai pas de problème, enfin comme tout le monde, des petits rien, rien de plus. Je ne ferais pas de mal à une mouche. Rita - Ni à une femme, je suppose. Jasmine -  Rita, tu exagères ! Diane - Il y a un problème Jasmine ? Jasmine - Non. Aucun. Maurice - A quoi, ça rime tout ça ? Rita - Ne vous affolez pas Maurice, tout ça c'est pour votre bien.

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